Gaza: cinq récits qui dévoilent le quotidien brutal et la résilience des habitants
Layla Salma, 23 ans — poétesse et ancienne étudiante en langue anglaise
Layla Salma, 23 ans, ancienne étudiante en langue anglaise et devenue poétesse, décrit ce qui lui manque le plus aujourd’hui: la vie elle-même, le concept de chez-soi et la sécurité. Le simple geste d’allumer une lumière et de voir s’allumer le courant lui manque, tout comme l’espoir d’un sommeil profond et d’un matin qui lui appartienne, dans une routine calme et préservée.
Elle précise trouver son inspiration dans ce qui l’entoure: la mort qui plane, la faim dans les regards des enfants, les déplacements qui expulsent son peuple. Même les choses les plus banales ne paraissent plus banales ici. Pendant ce génocide – et elle insiste sur le fait de ne pas romancer la réalité – les mots émergent presque malgré elle, par besoin de témoigner et par responsabilité envers son peuple et envers elle-même. Pour elle, la poésie devient une forme de résistance; parfois, un poème dit ce que les balles ne pourront jamais dire.
Écouter son témoignage : Layla Salma. RTS – Marjorie Besse.
Et si la guerre s’arrête ?
Elle souhaite que le monde voit Gaza sous un jour différent et reconnaisse les Palestiniens comme artistes, penseurs et écrivains qui résistent. Elle veut être vue non seulement comme victime, mais aussi comme personne capable d’apporter de l’espoir et de la connaissance.
Youssef Hossam Abu Anzi, 14 ans
Avant la guerre, Youssef vivait dans une maison entourée d’arbres, avec ses parents et ses frères, entouré de voisins et d’une vie sociale dynamique. Ses journées ressemblaient à des jeux avec ses amis, l’école, la douche, le repas et le repos.
Depuis, son père et ses oncles sont morts dans un bombardement qui a détruit leur maison alors qu’il était avec sa mère et ses petits frères. Il a été blessé par une balle lorsque l’armée israélienne a tiré sur un groupe d’enfants et il a failli être amputé. Il se sentait impuissant et est devenu un poids pour ses proches; il a tenté d’aider ses frères, mais ce sont eux qui l’ont aidé. Il souhaiterait être soigné à l’hôpital Nasser, et raconte des nuits difficiles: obus, bombardements, rafales et chiens qui les attaquent. Il n’y a plus d’écoles, ni de jeux, ni de nourriture.
Écouter son témoignage : Youssef. RTS – Marjorie Besse.
Et si la guerre s’arrête ?
Il espère pouvoir quitter Gaza pour bénéficier de soins et de sécurité, même après la fin des combats. Il rêve aussi de voyager, de poursuivre ses études, de pouvoir marcher, se soigner et vivre une vie plus sûre.
Hamed — journaliste et vidéaste
Avant la guerre, Hamed capturait des moments marquants de la vie à Gaza; la ville, ses habitants et ses maisons lui paraissaient pleins de vie et de beauté. Aujourd’hui, tout est détruit et il ne peut plus retourner dans son quartier ni dans sa maison.
Maintenant, il publie des stories quotidiennes et se rend dans les camps pour rencontrer les femmes et les enfants, afin de documenter ce que les médias n’exposent pas. Il cherche à montrer au monde le quotidien, les difficultés pour trouver de l’eau et de la nourriture, et il partage ces contenus avec les chaînes de télévision et les réseaux sociaux. Son travail est ardu, notamment à cause des difficultés techniques pour télécharger les fichiers et la connexion internet, mais il espère ainsi provoquer un changement pour les habitants et pour lui-même.
Écouter son témoignage : Hamed. RTS – Marjorie Besse.
Et si la guerre s’arrête ?
Lui aussi rêve de quitter Gaza, de retrouver une vie plus sûre et de voir s’ouvrir les frontières. Bien qu’il aime Gaza, il ne peut envisager une vie dans un camp et souhaite partir vers un pays où il serait plus libre et mieux protégé.
Najoua, 21 ans — étudiante en pharmacie
Avant la guerre, Najoua décrivait des journées rythmées par le lever du soleil et les séances d’étude dès 4 heures, suivies d’un passage au fitness, d’un petit-déjeuner et de la vie universitaire partagée avec ses amis. Elle participait aux activités du campus et révisait au café, espérant obtenir les meilleures notes.
Aujourd’hui, elle vit dans une tente avec sa famille et n’a plus sa propre chambre. Elle sort peu, le cœur lourd, et les examens en ligne se déroulent difficilement faute de wifi. Malgré tout, elle persévère, avec sa foi en soutien.
Écouter son témoignage : Najoua, une jeune Gazaouie étudiante en pharmacie. RTS – Le 12h30 / 2 min / jeudi.
Et si la guerre s’arrête ?
Son premier geste serait de remercier Dieu pour la santé et la présence de sa famille. Si elle retrouvait son ancienne maison, qui est rasée, elle éclaterait probablement en larmes. Son vœu le plus cher est d’obtenir son diplôme et d’ouvrir sa propre pharmacie, baptisée « La pharmacie Najoua ».
Alaa — coordonnateur humanitaire pour Médecins du Monde Suisse
Avant la guerre, ALAA menait une vie simple: travailler, partager des repas en famille et passer des soirées avec des amis. Aujourd’hui, il vit loin de son foyer et de ses proches; ses enfants lui manquent et il regrette la normalité d’autrefois. La vie d’avant lui manque profondément.
Maintenant, il dirige une équipe de 11 personnes et coordonne des actions de protection et de santé mentale pour les personnes déplacées. Sa vie se résume à survivre, tout en restant reconnaissant pour ce qu’il a. Mais la pression mentale et la douleur familiale pèsent fortement sur lui et l’espoir s’amenuise.
Écouter son témoignage : Alaa — Médecins du Monde Suisse. RTS – Marjorie Besse.
Et si la guerre s’arrête ?
Son rêve est simple: voir ce conflit se terminer et partager son expérience pour aider d’autres personnes en détresse. S’il venait à y avoir un cessez-le-feu, il espère pouvoir retrouver sa famille et dormir sans craindre l’avenir, s’accordant enfin le droit de sourire et de mesurer ses victoires et ses épreuves.