Changement d’heure et heure d’hiver : pourquoi la pratique perdure en Europe malgré les critiques
Contexte et enjeux du passage à l’heure d’hiver
Le passage semestriel à l’heure d’hiver, instauré dans les années 1970 pour réaliser des économies d’énergie pendant la crise pétrolière, continue de diviser l’Europe. L’Espagne a récemment demandé la suppression de cette mesure, et le président du gouvernement Pedro Sánchez a publié lundi une vidéo évoquant un système jugé inutile et potentiellement néfaste pour la santé.
Selon Sánchez, les sondages montrent une opposition majoritaire au changement d’heure chez les Espagnols et les Européens, et la science est présentée comme indiquant que cette pratique n’entraîne plus d’économies d’énergie et qu’elle perturbe les rythmes biologiques deux fois par an. Il rappelle aussi que le Parlement européen avait voté il y a six ans pour mettre fin à cette pratique.
Une démarche européenne fragilisée par les compromis
La proposition d’abolition du changement d’heure n’est pas nouvelle. En 2018, la Commission européenne a proposé cette suppression après une vaste consultation européenne. Environ 84 % des participants, soit près de 4 millions de personnes, se sont prononcés en faveur de la fin de l’usage. Le Parlement a ensuite donné son accord, mais la mise en œuvre a été bloquée faute d’accord entre les États membres.
La dernière échéance pour le passage à l’heure d’été était initialement fixée au 31 mars 2019; elle a ensuite été repoussée, laissant à chaque pays le choix entre l’heure d’été et l’heure d’hiver.
Le sujet a ensuite été éclipsé par d’autres sujets politiques et des contextes tels que le Brexit, la pandémie et la situation en Ukraine, jusqu’à ce que l’Espagne relance la question.
Blocages et complexité des fuseaux horaires
Le cœur du blocage réside dans la nature des prérogatives au sein de l’Union européenne: celle-ci peut fixer une date commune pour les changements d’heure, mais elle ne peut pas imposer les fuseaux horaires nationaux. Chaque État demeure libre de choisir son fuseau horaire.
Géographiquement, certains voisins prioritent l’heure d’hiver, d’autres l’heure d’été. Des pays comme la France, l’Espagne et l’Allemagne se distinguent parfois dans l’opinion publique, ce qui crée un risque de désalignement si chaque pays agit seul.
Pour des États situés au cœur du continent, tels que la Suisse ou la Belgique, un éventuel écart avec des voisins pourrait générer des défis économiques et logistiques.
Repères historiques et trajectoire européenne
L’histoire du changement d’heure s’inscrit dans des périodes de décisions et d’ajustements. Lors des Première et Seconde Guerres mondiales, des pays ont adopté l’heure d’été pour des raisons d’économie d’énergie et de charbon. Après le choc pétrolier des années 1970, l’Europe a connu une mise en œuvre plus dispersée. Si bien que la loi européenne de 1980 ne fixait que la date de passage à l’heure d’été en mars, et ce n’est qu’en 1994 que l’ensemble des pays a adopté l’heure d’hiver à la même date en octobre.
Aujourd’hui, quarante-cinq ans plus tard, il est largement admis que les changements d’heure n’apportent plus les économies d’énergie escomptées et ne restent pas sans effet sur la santé, tout en restant un sujet politiquement sensible pour les États membres.
La question demeure, et les autorités européennes semblent hésiter avant de lancer un réaménagement conséquent du système. D’un point de vue logistique et quotidien, l’enjeu dépasse le cadre technique.